mardi 12 août 2008

Jeux Olympiques : l'autre côté de la médaille


Le texte, lu par-ici, est un peu long, mais intéressant.


Les Jeux olympiques ont toujours été une caisse de résonance des conflits et de l’état social du monde dans lequel ils se déroulaient et contrairement aux fadaises que certains continuent de répandre, les Jeux n’ont jamais fait passer « le sport avant la politique ».

Racisme et misogynie
Si la Charte olympique proclame aujourd’hui son opposition à « toute forme de discrimination à l’égard d’un pays ou d’une personne fondée sur des considérations de race, de religion, de politique, de sexe », il y a loin des paroles aux actes, même quand il s’agit du présent. Quant au passé, les JO ont toujours reflété l’inégalité entre les peuples, parfois crûment. Pendant des décennies, la participation des « races dites inférieures » se fit avec difficultés. Aux JO de Saint-Louis (États-Unis) en 1904, par exemple, des Noirs, des Chinois, des Philippins, des Turcs, des Métis mexicains, des Esquimaux et des Indiens participèrent, non pas aux côtés des athlètes blancs, mais dans des « Anthropological Days », en marge de l’Exposition universelle attenante, où ils étaient en fait exhibés. Trente-deux ans plus tard, à Berlin en 1936, alors que l’Allemagne faisait concourir une sélection aryenne sans juifs, visant à montrer la supériorité de la race germanique, le Noir américain Jesse Owens fut le premier athlète à remporter quatre médailles dans la même olympiade. Hitler, ulcéré, quitta le stade. Ce n’est qu’en 1952 que les Noirs d’Afrique participèrent pour la première fois à des JO.

Les JO ont longtemps réservé aux femmes la portion congrue. Malgré l’opposition de Coubertin, elles participèrent aux Jeux de 1900, mais de façon très marginale et dans un nombre restreint d’épreuves. Ce n’est qu’en 1928 qu’elles furent admises aux épreuves d’athlétisme. Dans les années 1970, sous la pression des mouvements féministes, leur nombre augmenta réellement, mais aujourd’hui encore, plus de 60 % des participants sont des hommes. Il faut dire que le CIO lui-même, qui organise les Jeux, n’admit la première femme en son sein qu’en 1981! Actuellement, sur 113 membres, elle ne sont que dix!

La politique par d’autres moyens
Les Jeux n’ont évidemment jamais empêché les guerres. En revanche, les vainqueurs en ont exclu les vaincus à plusieurs reprises. En 1920 à Anvers et 1924 à Paris, l’Allemagne en fut écartée tout comme elle fut exclue avec le Japon des Jeux de 1948. La République populaire de Chine, quant à elle, fut absente des JO pendant 30 ans. Elle n’y fut admise qu’en 1980, après que l’ONU l’eut reconnue.

Différents boycotts ont marqué les Jeux modernes. En 1956, l’Espagne de Franco, les Pays-Bas et la Suisse les boycottèrent pour protester contre l’invasion soviétique de la Hongrie, tandis que l’Egypte, l’Irak et le Liban refusèrent de concourir en raison de l’occupation du canal de Suez. En 1972, les Jeux de Munich furent marqués par la prise en otages d’athlètes israéliens par un commando palestinien qui réclamait la libération de prisonniers. Les dirigeants israéliens refusèrent de négocier, la police allemande intervint. Ce fut un véritable massacre. En 1976, 28 pays africains boycottèrent les Jeux de Montréal pour protester contre la participation de la Nouvelle-Zélande, qui avait disputé avec l’Afrique du Sud de l’apartheid un match de rugby. En 1980, les États-Unis et une cinquantaine de nations boycottèrent les JO de Moscou pour protester contre l’intervention soviétique en Afghanistan, ce à quoi les pays du bloc soviétique répliquèrent en boycottant les Jeux de Los Angeles en 1984.

Mexico, 1968
Personne n’avait proposé de boycotter, en 1968, les Jeux de Mexico, pourtant ouverts dix jours après le massacre, dans la capitale mexicaine, de plusieurs centaines de manifestants étudiants. Le CIO s’en accommoda. En revanche, il s’indigna quand deux athlètes noirs américains, Tommie Smith et John Carlos, respectivement premier et troisième du 200 mètres, utilisèrent le podium pour relayer le combat des Noirs américains en levant le poing pendant la diffusion de l’hymne américain. Ils furent suspendus de l’équipe américaine, bannis du village olympique, exclus à vie des JO. Deux jours après, les trois médaillés du 400 mètres, Noirs américains eux-aussi, Lee Evans, Larry James et John Freeman, se présentaient sur la pelouse coiffés du béret noir des Black Panthers. Cette fois-ci, le CIO recula devant les sanctions.

Les Jeux Olympiques exaltent certes l’esprit de compétition, mais sous les couleurs des nations, avec hymnes et drapeaux, au nom desquels tant de guerres ont été menées. Autant dire que « l’Olympisme, créateur d’un style de vie fondé sur la joie dans l’effort, la valeur éducative du bon exemple et le respect des principes éthiques fondamentaux universels » (Charte olympique) est une fable à laquelle ne croient guère tous ceux qui les organisent ou qui en profitent.

Pierre de Coubertin, élitiste, misogyne, colonialiste et raciste
« Nous devons à Pierre de Coubertin, revendique aujourd’hui le CIO, toute l’organisation des Jeux olympiques, qui ont bénéficié de son esprit méthodique, précis et de sa large compréhension des aspirations et des besoins de la jeunesse. » Mais même pour son époque, le fondateur des Jeux olympiques modernes, le baron Pierre de Coubertin, était un sacré réactionnaire.

La philosophie qui présidait aux Jeux modernes était sans ambiguïté : « La première caractéristique de l’olympisme est d’être une religion, disait-il. En ciselant son corps par l’exercice, l’athlète antique honorait les dieux. L’athlète moderne fait de même : il exalte sa race, sa patrie et son drapeau. »

Les premiers Jeux furent même marqués par un racisme éhonté. « Je suis un colonial fanatique », écrivait sans mentir le baron Coubertin. Il était raciste, persuadé de la supériorité des Blancs sur les Noirs : « À la race blanche, d’essence supérieure, toutes les autres doivent faire allégeance ». Il affirmait ainsi sa vision de la hiérarchie entre les peuples de la planète : « Il y a deux races distinctes : celles au regard franc, aux muscles forts, à la démarche assurée et celle des maladifs, à la mine résignée et humble, à l’air vaincu. Hé bien ! C’est dans les collèges comme dans le monde : les faibles sont écartés, le bénéfice de cette éducation n’est appréciable qu’aux forts. »

Coubertin était résolument hostile à la participation des femmes aux JO, qu’il appelait « les olympiades femelles, inintéressantes, inesthétiques et incorrectes », sauf à un titre : « Aux Jeux olympiques, leur rôle devrait être surtout, comme aux anciens tournois, de couronner les vainqueurs. » Même pour les milieux bourgeois de son époque, Coubertin sentait la naphtaline.

Avant de mourir en 1937, il trouva un ultime motif de satisfaction : les JO de Berlin en 1936. Alors que bien des gens réclamaient leur boycott, Coubertin soutint de bon cœur le régime hitlérien qu’il admirait : « La onzième olympiade s’accomplit sur un plan magnifique. J’ai l’impression que toute l’Allemagne, depuis son chef jusqu’au plus humble de ses écoliers, souhaite ardemment que la célébration de 1936 soit une des plus belles. Dès aujourd’hui, je veux remercier le gouvernement allemand pour la préparation de la onzième olympiade. » Hitler lui renvoya l’ascenseur en proposant Coubertin pour le prix Nobel, ce que l’Académie Nobel, pourtant très conservatrice, refusa.

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